La situation en Tunisie démontre-elle un quelconque changement politique dans les pays arabes ?
Le mois de janvier 2011 marquera l’histoire des pays d’Afrique du nord, cinquante ans après leur indépendance. Des révoltes simultanées ont pris place dans des pays qui semblaient fermés à double tour politiquement, évoluant lentement vers une forme de mainmise d’un petit cercle sur le pouvoir. Mais les chefs politiques ont trop longtemps sous-estimé la bombe démographique, cette masse monstrueuse de jeunes personnes, qui est rapidement devenu une bombe politique incontrôlable. La Tunisie a également montré qu’une véritable opposition unie (et reconnue comme telle) pouvait, au prix de sacrifices humains parfois, renverser un pouvoir autoritaire.
La Tunisie (comme d’autres pays de la région, qui pourraient à leur tour créer leur équivalent de la Révolution de jasmin) a certes, et c’est louable, fait des progrès en termes de droits des femmes, mais en oubliant le principal : savoir régler le chômage prégnant des jeunes, corollaire d’un système éducatif débordé. Quand plus de 20% de votre population est âgée de 15 à 24 ans, il devient très difficile (même pour un pays occidental) de gérer ce supplément démographique. A côté, les griefs exprimés par les manifestants (corruption, droits de l’homme bafoués, etc.) semblent secondaires, mais soulignent terriblement les maux de ces sociétés.
Mais de là à imaginer renverser un gouvernement installé depuis 23 ans en seulement quatre semaines… Comment une opposition si souvent divisée (facilitant ainsi la tâche des gouvernements autoritaires) a-t-elle pu défaire ce qu’elle avait, malgré elle, contribué à construire ? Comment un front sans véritable leader (qui est capable de citer un des chefs des mouvements d’opposition tunisiens ?) a-t-il pu renverser le clan Ben Ali ? Il y a là évidemment des facteurs pouvant faire craindre (ou espérer, c’est selon) une extension du mouvement révolutionnaire à d’autres pays présentant les mêmes problèmes. Même si, malgré tout, il faudrait prendre en compte certaines spécificités tunisiennes (bon niveau général d’éducation, égalité relative des sexes) pour voir que cette « Révolution » ne pouvait prendre forme qu’en Tunisie. Ce changement radical, si souvent retardé, n’a eu besoin que de peu d’efforts (tout est relatif bien sûr…) et de temps pour prendre forme.
Allons-nous assister au retour des bannis, notamment les islamistes, si souvent décriés par le clan Ben Ali ? L’absence de slogans pro-islamistes durant les manifestations fait penser le contraire, montrant bien là que Ben Ali n’était en aucun cas le rempart contre les islamistes, ceux-ci étant en réalité très peu représentés et populaires parmi la population tunisienne. Entre le combat pour la liberté et la démocratie et l’expression du radicalisme, la Tunisie a fait son choix. Il ne lui reste plus que la stabilité à restaurer. Maigre tâche, en somme.